Avant le BIM : état des lieux

Le schéma radial d'un processus BIM dans la construction
La maquette est placée au centre des échanges

État des lieux

Actuellement dans le BTP, l’information, c’est-à-dire les plans et prescriptions, cheminent d’intervenant à intervenant suivant des circuits et des étapes définis réglementairement et en notamment par la loi MOP (Maîtrise d’Ouvrage Public) et le Décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993. Ces dispositions initialement destinées aux marchés publics ont trouvé un écho auprès des maîtres d’ouvrage privés qui suivent également pour la plupart les mêmes étapes pour leur projet. Aussi, habituellement, un projet de construction suit successivement les étapes listées ci-dessous.

  1. Faisabilité du projet architectural et autorisation
    1. La rencontre avec un architecte
    2. Etudes d’esquisse – ESQ
    3. Etudes d’avant-projet – AVP
    4. Avant-projet sommaire – APS
    5. Avant-projet définitif – APD
    6. Dossier de demande de Permis de Construire – DPC
  2. Conception détaillée du bâtiment
    1. Etudes de projet – PRO
  3. Construction
    1. Dossier de consultation des entreprises – DCE
    2. Plans d’exécution – EXE
  4. Sélection des entreprises de la construction
    1. Assistance aux contrats de travaux – ACT
  5. Le chantier
    1. Direction de l’exécution des travaux – DET
    2. La gestion du chantier
    3. Ordonnancement, coordination et pilotage du chantier – OPC
  6. Livraison du bâtiment au maître d’ouvrage
    1. Assistance aux opérations de réception – AOR
    2. Remise au client des Dossiers d’Ouvrages Exécutés (DOE)

Que propose le BIM ?

Le BIM ne remet pas en question cette chronologie. Ces étapes sont toutes nécessaires à la bonne tenue d’un projet, de sa conception à sa livraison. Pour comprendre ce sur quoi le processus BIM va intervenir, il ne faut pas se contenter de regarder la chronologie des étapes clés du projet. Il faut plutôt analyser la manière dont collaborent les différents intervenants du projet et comment l’information chemine physiquement et au cours du temps.

Le cloisonnement : c’est bien là toute la spécificité de certains pays dont la France. Les rôles de chacun sont très cloisonnés, les missions sont parfaitement définies et limitées et les interventions de chacun suivent un planning sensiblement identique d’un projet à l’autre. Cette organisation permet de structurer le management d’un projet de construction efficacement. Mais le revers de la médaille est qu’à trop vouloir cloisonner, on a fini par isoler. Si bien qu’au final chacun travaille un peu dans son coin, sans vraiment se soucier des besoins des autres intervenants. Une analogie que je trouve assez parlante est de comparer cela au travail de bureau en entreprise. Le schéma traditionnel veut que les bureaux soient tous cloisonnés, avec une porte et généralement un petit bout de vitre pour donner le sentiment qu’on n’est pas complètement séparé des autres. Certaines entreprises où le travail doit par nature être collaboratif ont donc décidé de décloisonner les espaces en créant des open-spaces. La démarche a choqué (et choque toujours) certains salariés, qui se plaignent entre autres de n’avoir plus aucune intimité à l’égard des collègues. Il n’empêche que concernant le seul aspect « travail », cette configuration a démontré de nombreux intérêts, en première ligne celui de créer une émulation et une synergie plus efficace au sein des équipes de travail.

Pour la construction, la conversion est identique : le BIM permet de passer d’un travail isolé, chacun dans son bureau, à un travail collaboratif. Et les réticences sont donc du même ordre. Partager un bien commun (maquette numérique centrale) entre les architectes, bureaux d’études et entreprises, est vécu comme une atteinte à l’intimité du savoir-faire de chacun. Cette position est évidemment importante à entendre, car la crainte est justifiée. Un architecte ou un bureau d’études qui a développé sa propre bibliothèque d’objets 3D BIM ne voudra pas la voir déversée publiquement dans la nature par le biais de la maquette qu’il aura partagée.

Le schéma radial d'un processus BIM dans la construction
La maquette est placée au centre des échanges

On se heurte ici à une notion importante : la propriété de la maquette numérique. Est-elle la propriété du maître d’ouvrage, personne qui, au final est celle qui a acheté la prestation de l’architecte ? Ou bien la maquette est-elle un outil de travail dont l’architecte reste propriétaire, au même titre que le maçon reste propriétaire de son marteau, alors même que ce marteau a contribué à la construction de l’ouvrage et a donc indirectement été acheté par le client ? Ces questions, à l’heure où j’écris ces lignes, n’ont trouvé aucune réponse réglementaire. Aucun décret, aucune loi ne précise ces points à ce stade. C’est d’ailleurs ce qui inquiète et créé de la réticence, mais la situation changera rapidement et le législateur saura donner un cadre précis au BIM. Les idées se mettent au clair, des collèges interprofessionnels sont en charge de fournir une réponse à ces questions.

Une nécessaire pédagogie

A terme la loi saura répondre à certaines inquiétudes, mais elle ne pourra toutefois pas changer certaines mentalités. Celles-là même qui refusent – même en 2D, même sans parler de BIM – de partager leurs données source. Un nombre encore beaucoup trop important d’architectes voire de bureaux d’étude partagent uniquement des PDF et refusent encore de partager leurs plans au format DWG lors de la phase de DCE (Dossier de Consultation des Entreprises) sous prétexte que les entreprises pourront les utiliser pour vérifier plus facilement les métrés ou la cohérence globale d’un projet en superposant des plans par exemple. Cette mentalité est un fléau qui empoisonne le BTP et qui ne saura trouver aucune place dans le cadre d’un processus BIM, pour lequel le partage est la clé. Changer les habitudes et convaincre d’être prêt à partager sans filtre son travail va demander une réelle pédagogie de la part des promoteurs du BIM. Il va falloir expliquer le processus aux entrepreneurs, quels qu’ils soient, les rassurer sur les « risques » associés au BIM et les convaincre que la balance avantages / risques penche du bon côté.

Par Clément VALENTE

Expert en construction numérique

2 commentaires

  1. Votre commentaire est très juste. Le problème majeur est le partage d’information avec la crainte que l’info sera mal utilisée par les autres utilisateurs. ll faut que tous les partenaires jouent le même jeu.

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