Durant les prochaines années, les compétences vont devenir très disparates en matière de BIM entre les différentes sociétés.
La guerre des clans
Les leaders
Les majors, fidèles à ce qu’on attend d’eux, vont continuer à être les leaders en matière de BIM. Ils seront les premiers à en faire réellement usage et à s’en servir comme argument commercial pour attester d’un savoir-faire que les autres n’ont pas. Cet argument fera mouche, d’autant plus qu’il sera renforcé par une réglementation qui tendra à imposer le BIM de partout et que les clients seront de plus en plus sensibles à ces thématiques.
Au-delà du fait que cette stratégie de développement permettra aux grands groupes de se démarquer, elle leur permettra de gagner en compétences.
Les suiveurs
De l’autre côté se trouveront les entreprises de taille modeste, qui n’ont n’y les ressources suffisantes ni le budget ni la philosophie des grands groupes et qui tenteront de prendre le train en marche mais qui, même avec toute la bonne volonté du monde, n’y arriverons pas aussi bien pour la plupart d’entre elles.
Et il y aura également les entrepreneurs qui resteront concentrés à 100% sur leur corps de métier et ne voudrons absolument pas se poser la question du BIM, convaincus que ce n’est pas là qu’ils sauront apporter de la valeur ajoutée et que ce n’est pas grâce au BIM qu’ils sortiront mieux leur épingle du jeu (ce qui sera vrai dans certains cas).
Les pouvoirs publics
Et au milieu, il y aura un gouvernement qui voudra rester fidèle à son engagement en matière de transition numérique, qui fera donc pression pour l’adoption massive du BIM, mais qui se heurtera à une réalité statistique qui ne jouera pas en sa faveur : 64% des entreprises du BTP ont zéro salarié, et 30% ont entre 1 et 9 salariés.
Cela veut dire que seulement 6 % des entreprises ont une masse salariale supérieure ou égale à 10 salariés. Or, ce sont sur ces entreprises que les espoirs d’adoption du BIM reposent le plus.
Dès lors, comment « forcer » le passage au BIM alors que l’écrasante majorité des entreprises n’ont a priori pas la masse salariale adéquate suffisante pour posséder des compétences BIM en interne ? Comment ne pas se heurter à un rejet massif du BIM lié à une tentative d’imposition irréaliste ?
La seule solution est la pédagogie
L’important n’est pas de convaincre, mais de donner à réfléchir.
Bernard Werber, Artiste, écrivain
Les promoteurs du BIM devront communiquer, mettre en avant les réussites, mais sans occulter les échecs pour garder une crédibilité et montrer que le BIM sait rester pragmatique.
Malgré les efforts que chacun va fournir, la période à venir va être extrêmement complexe. Les compétences en maquette numérique seront très variables d’une entreprise à l’autre, avec au milieu de nouveaux métiers qui ne sont encore pas réellement bien définis et dont la teneur dépendra pour beaucoup de l’interprétation que chaque chef d’entreprise aura sur ce qu’est le BIM.
Ni les fonctions, ni les missions de chacun seront claires, ni même les attentes des clients et les demandes des maitrises d’œuvre.
La « boule à neige du BTP » va être secouée avec vigueur, offrant un spectacle à la fois enthousiasmant et perturbant, mais il va falloir quelques années pour que chaque grain trouve sa place et forme à nouveau un socle solide et stable.
Le chaos actuel va rebuter
Vous devez probablement penser que le BIM est un « joyeux foutoir » et qu’il est inenvisageable de l’imposer aussi rapidement alors qu’il reste énormément de questions et de doutes à tous les niveaux. C’est vrai, il faut vraiment s’accrocher pour essayer de bien comprendre la situation et de prendre les bonnes décisions. Les échéances fixées en termes d’adoption généralisée du BIM sont très (trop ?) ambitieuses.
Il n’y a pas de grande réussite sans grandes ambitions
S’intéresser au BIM aujourd’hui demande de gros efforts de documentation et une veille permanente sur les actualités en la matière car des évènements se produisent sur tous les fronts. Une telle démarche demande donc un investissement personnel très important. Il est donc évident que certains, peut-être vous-même, seront tentés d’abandonner le sujet et de le laisser murir avant de s’y intéresser à nouveau. C’est un choix compréhensible, mais qui rejoins mon idée que les leaders du BIM aujourd’hui seront les Rois du BIM demain, et que les autre n’auront ni l’avance commerciale, ni les compétences ni les références suffisantes pour espérer tirer leur épingle du jeu aussi bien que les leaders.
Les limites techniques sont réelles
Une maquette BIM TCE (Tous Corps d’Etat), pour un bâtiment basique d’environ 5 000m² de dalle, pèse informatiquement entre 50 et 300 Mo.
Si cette taille de fichier ne pose aucun problème en termes de stockage sur le disque dur d’un PC, elle se heurte à une réalité technique actuelle plus contraignante : le partage. Envoyer par mail un tel fichier sera la plus souvent impossible, on pourra alors le stocker sur une plateforme d’échange (Dropbox, Google Drive…) ou sur un serveur FTP pour l’envoyer à des destinataires externes. Mais on reste alors clairement dans un BIM de Niveau 2, c’est-à-dire collaboratif mais avec plusieurs maquettes isolées sans évolution en temps réel d’une maquette commune et centrale (Niveau 3).
La collaboration pose également problème au sein d’une même entreprise entre plusieurs collaborateurs. Pour travailler simultanément sur la même maquette au travers d’un découpage en « sous-projets », cela impose de posséder un « serveur commun » dans l’entreprise suffisamment puissant pour supporter des flux de données aussi conséquents. Techniquement, les infrastructures réseau actuelles aussi modernes soient-elles sont clairement insuffisantes pour que le passage à un BIM de Niveau 3 ne soit envisageable avant quelques années.
Au-delà des réseaux, le poste de travail (PC ou Mac) doit lui-même être très performant pour pouvoir fonctionner correctement et de manière parfaitement fluide lors du travail en 3D. Nombreuses sont les entreprises qui ne pourront pas envisager de moderniser et rehausser le niveau de performance de leur parc informatique actuel dans des délais courts.
Les freins sont donc encore nombreux et biens réels, et tant que chacun n’aura pas trouvé une vraie réponse et vrais solutions, l’adoption massive du BIM sera retardée.