L’adoption du BIM doit faire face à plusieurs freins en raison des nombreuses et lourdes conséquences qu’elle engendre pour les entreprises.
Face à cette situation, les pionniers seront les plus mals menés.
Les leaders essuieront les plâtres
Les logiciels ne sont encore pas tous aboutis. Le format d’échange IFC, garant indispensable de l’interopérabilité et d’un « open BIM » capable de sortir des circuits fermés des éditeurs de logiciels comme Autodesk, n’est encore pas suffisamment mature pour être parfaitement fiable.
La coexistence de plusieurs logiciels concurrents sur le marché est bénéfique car aucun monopole n’est recommandable, mais elle sème le doute lorsqu’il faut passer à l’investissement.
Quel logiciel choisir ? Quel est le bon cheval sur lequel miser ?
La situation actuelle où le format DWG, créé par Autodesk, est devenu un standard aussi banal lors d’échanges de fichiers de DAO que le PDF pour le partage de documents imprimables est certes malsaine car elle est basée sur un quasi-monopole d’AutoCAD, mais elle a le mérite de simplifier les échanges entre logiciels. Aujourd’hui, aucun développeur de logiciel de DAO n’oserait ne pas être compatible avec le format DWG ! Ce serait une erreur fatale.
Face à ces questions en suspens, les leaders, moteurs en termes d’adoption du BIM vont faire des choix qui parfois seront mauvais. Ils auront investi en temps, en argent et en moyens humains pour faire ces mauvais choix, et il faudra parfois recommencer.
Etre pionnier du BIM donne certes des compétences très valorisantes mais est également bien plus compliqué que de suivre un chemin déjà tracé.
Il aura fallu plus de 2 mois et 90 membres d’équipage à Christophe Colomb pour découvrir par hasard l’Amérique. Désormais, un vol commercial Paris / New York se fait en huit heures.
Les intervenants ne seront pas tous compétents
Différents profils de professionnels vont devoir collaborer.
- Les « geeks du BIM » très documentés, qui ont déjà manipulé le BIM à maintes reprises et sont très pointus dans les logiciels 3D mais qui n’ont pas forcément la hauteur de vue suffisante sur ce qu’est le BIM en tant que processus et les conséquences que cela implique en termes de missions et de positionnement des intervenants.
- Les « théoriciens du BIM», très au fait de ce qu’est le BIM en tant que processus et qui a souvent assisté à de nombreux colloques interdisciplinaires, lui permettant d’avoir une hauteur de vue globale très appréciable, mais malheureusement trop superficielle lorsqu’il faudra comprendre concrètement ce qu’il se passe dans le moteur.
- Les « beaux-parleurs du BIM», qui vont communiquer à outrance sur leur pseudo compétences, quitte à un peu trop les enjoliver dans le but d’exploiter un marché tout neuf où il est encore facile de se faire un nid douillet et de s’affirmer comme un leader.
- Les « Oh ça me soule ce BIM ! », qui ne comprennent pas (je cite) « pourquoi tout le monde suit ce mouvement inutile initié par des éditeurs de logiciel lobbyistes qui exploitent un gouvernement faible et incompétent prêt à croire en n’importe quelle pseudo innovation technique pour l’adopter et la faire passer pour une initiative ambitieuse et pouvoir s’en vanter comme une réussite lorsqu’il faudra faire le bilan et espérer regagner quelques points de popularité pour briguer un prochain mandat financé par le contribuable avec des impôts toujours en hausse et une crise qu’ils sont incapables d’endiguer […] et en même temps les chinois qui deviennent les maitres du monde […] et ma voiture qui tombe en panne […] et patati et patata… » (fin de citation, sans commentaires).
- Les « kesako le BIM ?», pas méchants, probablement très compétents dans leur cœur de métier, mais qui n’y connaissent tout bonnement rien du tout au sujet du BIM et à qui il faudra malheureusement tout expliquer avant de pouvoir espérer collaborer avec eux… (vous pourrez leur suggérer de lire le livre BIM & BTP !). Ceux-là, en fonction de ce que vous allez leur expliquer sur le BIM, vont ensuite se ranger derrière une des 4 premières catégories… Alors s’il vous plait, soignez vos arguments pour éviter de lâcher un nouveau profil n°4 dans la nature !
Les leaders devront faire office de formateurs
Comme vous, qui êtes en train de vous auto-former sur le BIM, d’autres ont également la même démarche volontaire de perfectionnement et de quête de compétences nouvelles. Alors montez une armée et répandez le savoir du BIM sur Terre !
Plus sérieusement, l’écart de compétences entre les professionnels « BIM READY» et les autres va se traduire par une nécessaire transmission de connaissance des premiers vers les seconds. Et si cela pourra être frustrant pour ceux qui ont fait de gros efforts et ont investi pour se former de devoir former gracieusement les autres, ce sera malheureusement nécessaire pour pouvoir collaborer.
Lorsqu’un major de la construction « 100% BIM READY » va sous-traiter une partie de son marché à une petite entreprise locale « 100% NOT BIM READY » et demander à son sous-traitant d’être lui aussi capable de lire une maquette numérique pour obtenir les informations sont il a besoin sur le chantier, voire même de modifier la maquette pour réaliser les DOE (Dossiers d’Ouvrages Exécutés)… Il va effectivement falloir faire preuve de pédagogie et de patience pour enseigner le BIM aux autres et espérer pouvoir collaborer…
Et d’autres freins retardent l’adoption du BIM
Certains clients n’y voient pas d’intérêt
Si une part trop importante de maitres d’ouvrages n’est pas convaincue des atouts du BIM, ils constitueront un panel de client suffisant pour que les entreprises enclines à se jeter dans le BIM continuent à avoir du travail et repoussent ainsi leur évolution vers le BIM. La pédagogie doit aussi avoir lieu auprès des maitres d’ouvrage.
Le manque de professionnels compétents
Lorsque tout le monde se réveillera au sujet du BIM et que tout le monde cherchera à recruter des collaborateurs formés aux logiciels de maquette, le stock de professionnels compétents sera très vite épuisé. D’autant plus qu’il n’existe que très peu d’écoles où le BIM fait partie intégrante du programme d’enseignement. A défaut de pouvoir recruter, l’adoption du BIM sera nécessairement repoussée.
Le mauvais management
En entreprise, l’absorption du BIM peut parfois être mal menée et ainsi conduire à son échec. C’est notamment le cas lorsque le changement est mal accueilli par une direction réfractaire, ou lorsqu’aucune adaptation des missions de chacun n’est vraiment décidée pour laisser une place au BIM.
Ce peut-être aussi une qualité de formation insuffisante ou des choix logiciels inadaptés et parfois sélectionnés sur le seul aspect économique.
Mais le problème peut également venir des collaborateurs eux même et non du manager, qui peuvent être enclins aux changements et suffisamment inertes pour que les tentatives soient infructueuses.
En somme, les années à venir vont donner du fil à retordre à tous ceux qui auront décidé d’être pionnier sur le BIM !