Ce que n’est pas le BIM

Comment ça ? Je ne suis pas clair ?
" On peut tromper mille fois mille personnes, non, on peut tromper une fois mille personnes, mais on ne peut pas tromper mille fois mille personnes. Non, on peut tromper une fois mille personne mais on peut pas tromper mille fois une personne. Non... "

Bon, si vous me lisez c’est que les freins évoqués précédemment n’ont pas suffi à vous rebuter (ou alors si, mais vous continuez à me lire par politesse sans vraiment croire ce que je vous dis !).

Maintenant que vous connaissez la définition du BIM et que vous commencez à avoir une vision globale assez large sur ce que promet le BIM, il est temps pour moi de tordre le cou à certaines idées erronées véhiculées par des personnes pas assez informées en la matière et qui, si vous faites l’effort de vous documenter, sont peut-être arrivées jusqu’à vos oreilles.

Le BIM n’est pas un logiciel

Le BIM est un processus, une façon de travailler en collaboration autour d’un projet de construction.

On parle à tort de « logiciels de BIM », ce qui ne veut rien dire. On devrait parler de « logiciels de dessin de maquette numérique compatibles avec un processus BIM » ou de « logiciels capables d’interpréter une maquette numérique » dans le cas de logiciels satellites servant à réaliser des simulations.

Cette erreur provoque de grosses incompréhensions lorsque l’on commence à peine à se documenter sur le BIM.

BIM et maquette numérique ne sont pas la même chose

Pour bien faire comprendre cela à mes élèves, j’utilise une formule caricaturale :

Le BIM est à la maquette numérique ce que la pâte est à la pizza

En toute logique, une pizza sans pâte aura toute les chances d’être ratée ! La pâte est le « socle commun » de votre pizza, celui qui permet à tous les ingrédients isolés de se rencontrer et, sous l’effet de la cuisson, de se regrouper pour au final créer un plat parfaitement lié.

Comment ça ? Je ne suis pas clair ?
« On peut tromper mille fois mille personnes, non, on peut tromper une fois mille personnes, mais on ne peut pas tromper mille fois mille personnes. Non, on peut tromper une fois mille personne mais on peut pas tromper mille fois une personne. Non…  » – Citation culte du Film La cité de la peur – 1994

La maquette numérique est le socle commun d’un processus BIM. Elle est le point nodal d’une collaboration centralisée autour d’elle.

Il peut y avoir une maquette numérique sans processus BIM, mais il ne peut pas y avoir de processus BIM sans maquette numérique…
Comment ça ? Je ne suis pas clair ?

Le BIM n’est pas une lubie délirante

Ne nous voilons pas la face : le BTP n’est pas le secteur le plus moderne qui existe. Aucune vraie révolution industrielle n’a encore eu lieu, et pourtant un bon gros dépoussiérage permettrait de réenclencher la machine.

Jeremy Rifkin, économiste américain, auteur d’un essai prospectif sur la « troisième révolution » dont nous vivons en ce moment les prémisses, anticipe que le bâtiment connaîtra, lui aussi, une révolution majeure articulée notamment autour de la thématique du « bâtiment durable ». Sans boire ses paroles comme des prophéties, aujourd’hui tous les indicateurs semblent montrer que la voie ouverte au BIM est idéale :

  • Une crise dont on n’arrive pas à sortir, qui incite à chercher des solutions novatrices,
  • Des engagements mondiaux en matière d’émissions de gaz à effet de serre qui imposent d’être plus regardants sur d’autres secteurs que les combustibles fossiles et notamment la conception des bâtiments,
  • Des technologies informatiques qui, même si elles ne sont parfois pas encore 100 % opérationnelles, permettent de repousser considérablement les limites du possible,

Et les solutions BIM savent répondre, en partie tout du moins, à ces enjeux. La question n’est donc plus aujourd’hui se savoir si le BIM s’imposera, mais quand il le fera.

Le BIM n’est pas encore mature

Le concept de la maquette numérique existe depuis 1997, créé à l’époque par Nemetschek, éditeur du logiciel Allplan, et portant à l’époque le nom de O.P.E.N. (Object-oriented Product Model Engineering Network). 20 ans après, on pourrait s’attendre à ce que l’utilisation de la maquette soit plus répandue. Il aura en fait fallu attendre une décennie pour que dans les années 2007 certaines agences gouvernementales, notamment aux Etats Unis, imaginent d’autres possibilités liées à cette maquette. De là commença la gestation du BIM en tant que processus, pour finalement s’étendre aux autres pays modernisés moins d’une décennie plus tard, fort d’expériences sur des chantiers ayant permis de renforcer l’idée que ce processus est viable et sait se montrer opérationnel.

Mais malgré ces années de gestation, le BIM est encore tout jeune. Il a appris à marcher, mais il va maintenant devoir apprendre à monter une pente bien plus raide en s’attaquant à des pays comme la France où les métiers du bâtiment sont très cloisonnés et n’ont pas appris à travailler en mode collaboratif, contrairement aux pays leaders en matière de BIM où la notion de « cellule projet » trouve tout son sens.

Le BIM n’est pas une solution miracle contre les mauvais professionnels

Les erreurs de conception telles qu’on les connait seront toujours présentes. Ne vous inquiétez pas, vous n’aurez pas fini de vous arracher les cheveux en pestant sur ce (je cite) « crétin qui n’est pas capable de concevoir correctement son projet ! ».

L’avantage avec la maquette est que vous pourrez plus facilement vous rendre compte de certaines incohérences. Etant donné que tout est dessiné en 3D dans un modèle unique et que, depuis ce modèle 3D, sont générées les vue 2D (plans d’étages, coupes, façades), le risque d’incohérence 2D/3D est absent (sauf à modifier manuellement le résultat 2D obtenu, mais là on entre dans une niveau supérieur de bêtise humaine pour lequel je n’ai pas de réponse !).

Il y aura donc moins de chances de vous trouver en présence de la fameuse et courante erreur du « plan de niveau qui compte 5 fenêtres alors qu’il y en a 6 sur la façade ».

La maquette permet de sortir d’un système illogique où 1 bâtiment = X plans.

Sauf que…

Les logiciels de dessin d’architecture en objets 3D existent depuis longtemps (années 90). Et vous avez déjà travaillé sans même le savoir sur des projets conçus en 3D. Et pour autant, sur ces mêmes projets, vous avez eu à faire avec de (je cite toujours) « sacrés incompétents qui vous ont pondu de belles casseroles ». La maquette n’a donc rien changé et n’a pas apporté en précision.

Mais est-elle pour autant responsable de ces erreurs ?

BIM ne veut pas dire « Bingo un Incompétent de Moins ».

Ce serait bien, mais non. Même si les logiciels de modélisation 3D sont de plus en plus « intelligents », ils ne replaceront jamais l’expertise et la vraie intelligence humaine. Une maquette, aussi précise soit elle, pourra parfois être inexploitable ou irréalisable sur le chantier si le concepteur a mal travaillé.

Ne soyez donc pas tentés de voir en le BIM une solution divine à tous les problèmes du BTP

Par Clément VALENTE

Expert en construction numérique

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